Fondation H - Antananarivo present Chère Embona, an exhibition by Malagasy-Italian photographer Christian Sanna. Born in 1989, Sanna hails from Nosy Be, an island north of Madagascar.
From 2013 to 2018, when he last stayed on the island, Sanna traveled to Nosy Be on several occasions, capturing the island’s environment and transformations, as perceived - or not quite so - by black and white medium format film photography. These numerous images come to life in the series Lettres à Embona [Letters to Embona], presented for the first time at Fondation H - Paris , from December 2020 to January 2021 .
Embona means nostalgia or reminiscence in Malagasy. Fondation H have invited Sanna to develop the second part of this series at Fondation H - Antananarivo from February 2021, with the exhibition Chère Embona. Chère Embona presents nine photographs from the series Lettres à Embona, printed on fabric, alongside an installation of all the photographs produced during those five years, connected by a thread like huge necklaces. The exhibition is completed by a booklet with a text by curator Rina Ralay-Ranaivo.
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In March 2021, as part of this exhibition, Christian Sanna and Fondation H - Antananarivo launched the project Lettres perdues [Lost Letters].
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Christian Sanna est attaché à son passé et à l’endroit d’où il vient, Nosy Be, dans son travail photographique. Il les pétrit comme des matières premières, car il est de ceux qui ne dressent pas de frontière entre l’existence et l’art.
Il commence à pratiquer la photographie il y a une dizaine d’années, à l’occasion d’un retour à Nosy Be, alors qu’il poursuivait ses études en France. L’île de ses jeunes années s’est métamorphosée pendant son absence, et la brutalité de ce constat va le pousser à se saisir de son appareil photo et à tenter de traduire en images ces changements ainsi que leurs impacts sur la vie de la population locale. Le développement exponentiel du tourisme, ce secteur économique qui fait vivre toute l’île, est l’une des causes à l’origine de cette métamorphose. Des lieux auparavant ouverts et collectifs sont devenus des espaces fermés et privés, notamment pour divertir les touristes étrangers qui arrivent par dizaine de milliers à bord de vols charters en provenance notamment de l’Europe.
Ce nouveau territoire a également redessiné les repères de ses propres souvenirs. Tous ces changements ont fait prendre à Christian Sanna la mesure de tout ce qu’il pensait avoir laissé derrière lui en allant vivre sa vie ailleurs. Issu d’un métissage italo-malgache, la complexité de son identité a progressivement créé en lui un sentiment de non-appartenance à la culture malgache. Aux yeux des autres, il a toujours été le vazaha, l’homme blanc, l’étranger. Autrement dit, celui qui a de l’argent, celui qui profite de tout facilement à coups de devises.
La photographie s’est offerte à Christian Sanna comme un médium qui lui permet de renouer les liens brisés. Progressivement, elle est devenue cet espace où il peut concilier son présent avec son passé, où il peut repenser et renégocier son rapport à Nosy Be.
En 2016, il réalisait une première série consacrée à des amis lutteurs, originaires de l’île. Moraingy avait mis en lumière la résilience d’une jeunesse qui, à travers la pratique de ce sport traditionnel, trouve une forme d’échappatoire pour surmonter leur environnement social difficile. D’entrée de jeu, Christian Sanna avait produit des images en résonance avec ses émotions, et en filigrane ou par extension, il laissait entrevoir l’envers des décors d’une île fragilisée.
Son écriture photographique peut aisément être qualifiée d’autobiographique, parce que son vécu articule sa pensée artistique. Toutefois, la narration sentimentale qu’il développe, ne révèle aucune histoire personnelle. Pour cela, il partage la même approche que les trois photographes qu’il cite comme étant ses premières références : Alberto García-Alix, Marc Trivier et Max Pam. Ces artistes ont fait le choix de travailler sur des sujets photographiques intimement liés à leurs principes de vie plutôt qu’à leurs propres vies. Leur art nous entraine dans leurs pensées et nous dévoile le regard qu’ils portent sur l’autre.
Christian Sanna affectionne particulièrement l’idée que la photographie soit un reflet intime sans qu’elle tombe dans le nombrilisme, que l’image devienne “un objet-miroir”. Sanna privilégie une photographie argentique au format carré, empruntée aux trois photographes qu’il tient pour modèles. Il pratique son art avec des principes et des valeurs, comme un code d’honneur à respecter. La rigueur, exigée par le choix de ces outils de travail notamment dans la chambre noire, le motive dans cette quête d’une photographie frontale, sans artifice, dénuée de superficialité, dotée d’une identité analogique forte. Il affirme, par ailleurs, que ce processus renforce le rapport intime qu’il veut entretenir avec le réel à travers l’image, une manière pour lui de mieux ressentir le monde, de « se sentir photographiant » comme on dit « se sentir vivant » dans l’acte même de photographier.
Il a imaginé ce prénom dérivé du mot malgache “manembona”, voulant dire réminiscence, pour trouver un destinataire à sa nostalgie pour Nosy Be. Ces photos répondent aux appels de sa mémoire et abordent en même temps les liens complexes qu’il entretient avec l’île. Réalisées entre 2013 et 2018, elles sont les traductions des signaux émotionnels qui se sont présentés à lui au gré de ses différents séjours à Nosy Be, de jour comme de nuit. Elles sont portées par l’instinct, ce qui leur donne cette légèreté poétique propre à l’instant : son ombre dans les écumes, les jambes d’une jeune fille assise dans un bar, un bateau tanguant au large des côtes, ou encore le portrait d’une femme dans ses habits du dimanche rencontrée sur une plage.
Cette exposition, Chère Embona, présente des photos qui matérialisent la somme de sentiments et de souvenirs. Le photographe a ainsi imaginé un dispositif scénographique qui invite le public à entrer dans un espace intime. Il a fait le choix des impressions textiles grand format pour leur aspect léger, fragile et flottant. Il présente également quelques objets photographiques inspirés des colliers de fleurs de l’île de Nosy Be. Les touristes les reçoivent en signe d’accueil, lui en signe d’exclusion…
Ici à Antananarivo, et depuis la dernière présentation de cette série à Paris, ce travail résonne autrement puisque Nosy Be se rapproche. Les images ne se déploient plus comme des lettres envoyées à un être cher pour se délester de la mélancolie, mais comme les multiples visages de “Embona”, qui vient habiter l’espace. Son portrait se dessine au rythme des émotions et des souvenirs comme un personnage encore lointain et incertain pour qui le cœur de Sanna n’en finit pas de battre.