ZOUBA K
HOMO INTENTIO

ANTANANARIVO
JUNE 22 - JULY 30, 2022

Fondation H - Antananarivo are hosting Homo Intentio, first solo exhibition of artist Zouba K, from July 22 to September 30, 2022. Homo « human being» in Latin is the artist’s main subject of intention (Intentio).The three centerpieces of his exhibition are a breakdown of what, in his view, makes a man: a hand, a face and a human body. A hand he uses throughout the day for creation, a hand he watches, sees moving, twisting, working hard, and which he uses to fulfill his dreams. A face he had actually imagined in a dream, then started to shape and flesh out through a repetitive gesture, ending up with a skin rendering as dense as it was taut. And a body. A woman’s body, inspired by his passion for curves and volumes. This standing body, his Homo Sapiens, has resulted from a year of research and experimentation both on his subject and his technique - it is the piece that is showed to the public today, but which is undoubtedly still bound to evolve further. This very personal sculpture technique he has developed, is about “taming” rigid and hard-wearing materials such as wire and metal bottle caps, shaping them in line with his intentions.

Intentio, combined with Homo, refers to thefive meanings of the term : tension (the stretching of the wire to model the shapes and volumes of his sculptures), intention (the will to achieve the work first issued from his imagination), attention (the tensing of his mind to generate his work), intensity (the highdegree of strength and power found in metallic material) and hard work (the zeal invested in hours of creation for each piece).

In Homo Intentio, Zouba K showcases three sculptures to the public, whilst revealing how each piece was created, and what steps he followed to achieve his shape-building work, by exposing his prototypes, or studies. Malagasy designer Domi Sanji penned a companion text to the exhibition, deconstructing the artist’s sculpting technique to describe the genesis of the exhibited pieces.

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BIOGRAPHY OF ZOUBA K

Bornin 1995 in Aix-en-Provence, France, Zouba K, a French Malagasy artist, grew upin a family of artisan carpenters. Now based in Madagascar, he has a passionfor materials and since 2019, has focused on creating sculptures based on wire modeling generally associated with recycled materials such as cardboard, used cans or bottle caps. Discovering origami triggered his strong interest in the technical work of materials in order to create shapes and volumes. His work is inspired by South Korean sculptor Young Deok Seo, whose self-expression is channeled through large busts and faces made of motorcycle chains. Zouba K’s works consist of gigantic faces and hands, as well as busts and bodies made essentially with wire, using pliers as the sole tool.

Genèse d’un artiste
Par Domi Sanji

Au commencement fut le vide… puis le verbe. Mais préférant le geste au verbe, Zouba K s’exprime par la matière. Une matière qu’il tend, assemble, tisse, torsade… jusqu’à donner corps à ses sculptures anthropomorphes faites tantôt de fils métalliques tantôt de capsules-couronnes. La genèse de l’humain se trouve au cœur de son travail : visage, main, corps… L’Homme prend en effet une place exclusive, sinon prépondérante dans son vocabulaire formel. Son art procède de sa passion pour l’origami, le travail en volume en partant d’un simple papier. L’origami, entre autres, lui a permis de développer ces techniques propres à son process créatif. S’y ajoute sa passion pour les casse-têtes, le noyau germinatif de sa détermination à trouver à tout prix un dénouement ou une solution. Ses acquis dans l’artisanat, et plus précisément la menuiserie, l’accompagnent également dans sa démarche créative. Lesquels acquis se traduisent notamment par son obsession pour les formes lisses et parfaites. Des erreurs et de belles réussites ponctuent son travail qui semble être un va-et-vient entre l’imaginaire et la logique mathématique. Dans sa quête de beauté et d’absolu, ni les erreurs ni les difficultés ne le freinent. Au contraire, d’elles ont germées ses connaissances. Zouba K y trouve l’occasion de se surpasser, d’inventer de nouvelles techniques, voire de se réinventer. Transcender les résistances de la matière, voilà un moyen pour lui de se libérer des peurs et des craintes. Funambule entre l’action et la réflexion, il en fait une source inépuisable de progrès, un moyen d’évoluer dans son art jour après jour, fil après fil. S’il devait n’y avoir que trois mots pour résumer sa personnalité, ce seraient : passion, aventure et évolution.

Passion : le mot qui le définit le mieux, qui implique d’aller jusqu’au bout des choses

Aventure : foncer dans l’inconnu et se mettre en danger dans la difficulté

Evoluer : transcender les difficultés, défaire toutes les peurs, accumuler les connaissances techniques, être en phase avec la matière et ce qu’elle a à exprimer.

Genèse d’une technique

L’idée d’évolution se retrouve au cœur de chacune des œuvres de Zouba K. Une évolution qui se traduit notamment par le nombre plus ou moins élevé de prototypes qu’il développe avant de parvenir à une pièce qui le satisfait. Au fil du temps, au gré des capsules, il a perfectionné ses techniques en accumulant les erreurs ou plutôt les connaissances, mais également en développant ses propres outils : pinces, perforateur, règles… Son propre corps figure même parmi ces outils, tel une référence pour les questions de proportions et de détails dans ses œuvres. Auparavant,

90% de son temps étaient consacrés à la réalisation de prototypes.

En ayant dompté le fil métallique et les capsules-couronnes, Zouba K s’est lancé comme défi de réaliser une pièce d’un trait sans passer par la phase de prototypage. En effet, après cinq ans d’expérience dans la maîtrise du fil de fer et un an dans les capsules-couronnes, il réalise de moins en moins de prototypes. Force est toutefois de souligner que, bien qu’étant les prémices d’une œuvre, les prototypes sont les promesses d’une évolution. Ils représentent un moment crucial dans sa démarche créatrice et participent de l’authenticité et de l’unicité de chaque pièce. Comme un continuum de l’évolution de l’humain « zoubakien », ces prototypes recèlent en eux des fragments de rêve, des parts d’intention, des bribes de réussite.

Fil de fer : matière de prédilection, dont le travail s’est peaufiné au bout de cinq ans d’expérience

Capsule : unité de mesure, deuxième matière de prédilection

Règle : outil de mesure composé de 19 capsules assemblées sur un fil de fer, conçu par Zouba K

Règles : limites à surpasser

Perfection : ce sentiment de satisfaction quand le cerveau est rassasié en résolvant le « casse-tête »

Imperfection : état de non finitude, source d’insatisfaction

Erreur : source de connaissances et d’évolution ; « Sans erreur, on n’acquiert pas la connaissance »

Empathie : respect de l’autre, respect de l’intention, respect de la volonté, respect de la matière (la philosophie pour travailler avec la matière est la même qu’avec un humain, il faut de l’écoute)

Ressenti : autant de ressenti que de mathématiques dans le travail de l’artiste, c’est-à-dire rester sensible tout en réfléchissant en fonction des circonstances

Tendre : douceur exprimée par une matière qui de base est résistante ; aussi calme, tendresse

Tension : tiraillement entre la perfection et l’imperfection, entre la technique et l’imaginaire

Instinct : beaucoup de hasard dans les œuvres de Zouba K, ou selon lui : « Ma mère dirait que l’univers est avec moi »

Inconnu : élément d’un casse-tête à résoudre, qui oblige à créer les techniques et les outils pour avancer et évoluer

Inconnu : source de motivation, « Si je suis sûr à 100% que je vais réussir, je ne fais pas l’œuvre. »

Genèse d’une œuvre

Témoin d’une étape d’évolution tantôt achevée tantôt infinie, chaque pièce habite l’espace et inscrit dans le temps cette évolution. Comme cette main qui invite à percevoir l’invisible. Cette pièce, tout autant que les œuvres représentant un visage et un corps sont la résultante de toute ce qui précède. Zouba K façonne l’humain dans son atelier où s’entremêlent les fils, se « brodent » les capsules-couronnes, lesquelles exhalent le parfum d’un breuvage familier… Là, ont vu le jour les pièces de cette exposition, dans une ambiance marquée par un silence méditatif entrecoupé de temps à autres de musiques pop-rock ou folk. La gestation de Homo intentio a connu des périodes de convictions profondes, de questionnements, de tergiversations et d’exutoires. Aussi bien les pièces de l’exposition que le projet en lui-même ont ainsi évolué tout en restant fidèle à l’intention initiale de Zouba K. Il allait de soi que l’exposition se saisisse de cette évolution pour proposer un cheminement antichronologique de façon à sonder l’essence de son travail. Lui qui de ses mains engendre ces sculptures anthropomorphes recommande de vivre l’œuvre pour le comprendre. Il faut faire appel à l’affect et au ressenti pour se libérer de l’injonction de compréhension. L’intellect pur ne suffit pas à sonder la profondeur du travail de Zouba K. En tant que tentative de traduction d’une intention, le texte présent incite le public à déployer sa part sensible. Les quelques mots alignés et explicités ci-après seraient limitatifs. Ils constituent des bribes de pistes pour cheminer au cœur du travail de Zouba K. Chaque mot retranscrit une étape de son acte de création. Et pour rester fidèle à son intention première, la définition de chaque terme lui est attribuée. Il nous guide progressivement à pénétrer un monde, celui des homo intentio, son monde. Ces homo intentio se composent de plusieurs gestes :

Tendre : tirer le fil jusqu’à ce qu’il délivre son essence, geste élémentaire pour générer une forme

Trouer : perforer avec une pince spécifiquement conçue pour le travail de la capsule, préparer les capsules à être enfilées

Mesurer : compter le nombre de capsules nécessaires à partir de la règle avant de les enfiler et de les nouer

Nouer : assembler de bout en bout, créer des liens entre chaque fil

Assembler : donner forme, que ce soit dans le fil de fer comme dans la capsule

Reculer : couper pour défaire une partie et repartir, action entamée en cas d’insatisfaction

Retourner : prendre du recul pour mieux observer le volume, porter son attention sur chaque détail

Observer : porter son attention sur chaque détail du corps humain : articulations, veines, muscles.

Tous ces gestes participent d’un même objectif, celui de sculpter.

Sculpter : partir du vide, assembler des pièces, s’exprimer par la matière en ne faisant qu’un avec elle.

Dominique Rasanjison a.k.a Domi Sanji est designer multidisciplinaire. Commissaire général du Tana Design Week, il est président et fondateur de l’association Johary Constellation, un collectif de recherche en design.