CURVA
MALEK GNAOUI

PARIS
13 JUIN – 2 AOÛT

Né à Gabes en 1983, Malek Gnaoui vit et travaille à Tunis. L’œuvre de Malek Gnaoui aborde des questions relatives aux conditions sociales et propose une réflexion engagée sur le contexte sociopolitique tunisien actuel. A travers la vidéo, la céramique, la gravure, l’installation, le son et la performance, son approche de la matérialité l’amène à développer une pratique impliquant des matériaux du quotidien et des techniques traditionnelles. 

Actuellement en résidence de création à la Cité internationale des arts à Paris, l’artiste Malek Gnaoui prépare sa prochaine exposition Curva, présentée dans l’espace parisien de la Fondation H, à partir du 13 juin 2025.

Curva, texte écrit par Kenza Jemmali, février 2025 - Traduit de l’anglais

Curva, un terme évoquant à la fois l’espace physique du stade et l’état d’esprit collectif des ultras, est le point de départ du dernier corpus d’œuvres de Malek Gnaoui. Pour ce projet, il s’inspire de la culture profondément enracinée des groupes de supporters de football, non seulement entant que phénomène de fandom mais aussi comme une construction sociale reflétant des structures sociétales plus larges. La curva est plus qu’un ensemble de voix, c'est un microcosme de communauté, d’identité et de résistance et un corps collectif lié par des codes, des rituels et un sentiment d'appartenance inexprimé mais rigide.

Ces groupes, unis et organisés, trouvent leurs origines d’abord en Grèce dans les années 1930 puis au Brésil, où en tant que supporters, ils sont devenus porteurs de messages sociétaux profondément enracinés. Ce qui a commencé comme un collectif de protestataires, marginalisés dans les espaces publics, a ensuite évolué en ultras dont l’histoire forme une boucle sans fin de résilience que l’artiste réfracte et réinterprète continuellement.

Des curva du sud de l’Italie définissant un modèle de culture ultra dans les années 60 et 70, à la charge politique des factions de supporters de l’Europe de l’Est, le mouvement a continuellement évolué, reflétant les climats sociopolitiques desquels il émerge. Plutôt que de retracer simplement son évolution, Gnaoui examine comment son langage visuel et matériel a été façonné au fil du temps, offrant ainsi une nouvelle manière de regarder ce phénomène en constante évolution.

L’idée de Curva/Ultras – en tant qu’espace à la fois physique et psychologique - sert d’objectif à travers lequel Gnaoui explore la fine ligne entre force et vulnérabilité. Les ultras apparaissent rigides, leur présence collective est imposante mais cette structure recèle une fragilité sous-jacente, une intensité émotionnelle qui reflète les contradictions des sociétés dont ils sont issus.

Leurs chants, leurs mouvements synchronisés et leur dévotion sans failles à leurs équipes prennent une dimension presque religieuse, transformant les stades en des espaces de rituel et de croyance où leurs voix s’élèvent à l’unisson comme une forme de prière collective. C’est dans cette culture profondément ancrée que Gnaoui puise son inspiration, y voyant un écho aux espaces sacrés, dans lesquels les symboles et les gestes détiennent un pouvoir qui dépassent leur fonction immédiate.

L’engagement de Malek Gnaoui sur le sujet découle à la fois de son histoire personnelle et d’une réflexion sociopolitique plus large. Ayant grandi autour de cette culture, il a été témoin de sa capacité à unir et à créer un sens de l’objectif mais aussi de ses complexités plus ou moins profondes et de la ligne fine entre les structures et leur volatilité. A travers ce travail, il propose une revisite du monde des ultras qui s’étend au-delà du spectacle du jeu pour aborder les questions fondamentales des liens humain, de la résilience et de la fragilité.

Par une approche subtile, presque cinématographique, il crée des mises en scènes dans lesquelles, les objets, les matériaux et les gestes deviennent les acteurs d’un récit en cours. Ses interventions sculpturales réinterprètent des éléments de l’expression urbaine, transformant les graffiti en moulages, récupérant les symboles de protestation et l’iconographie des stades en reconstruisant les manifestations éphémères de solidarité. Tout comme les ultras laissent leurs empreintes dans l’espace urbain, le travail de Gnaoui capte et reconfigure ces traces en les présentant non pas comme des reliques figées mais comme des éléments dynamiques dans un cycle continu d’effacement et de résurgence. Également inspiré par la manière dont les lieux religieux utilisent la narration visuelle, notamment les vitraux des églises, Gnaoui cherche à insuffler un sens du sacré à ces matériaux bruts et quotidiens. En transposant les matériaux les plus élémentaires, souvent négligés, de la culture urbaine dans des compositions qui rappellent cette esthétique sacrée, il met en lumière le paradoxe de la révérence au sein même du mouvement ultra.

A travers l’expérimentation de la matière, Gnaoui transcende l’aspect industriel du béton et du fer, en intégrant des éléments inattendus qui perturbent et adoucissent leur dureté apparente. Cette interaction entre ce qui semble inébranlable et ce qui est, en réalité, délicat, sert d’analogie, à la fois pour les individus au sein de ces groupes et pour les constructions sociales plus larges dans lesquelles ils naviguent. L’artiste dissèque et réassemble ces matériaux – redessinant, ajoutant et retirant – pour créer des combinaisons qui pourraient sembler ordinaires et qui pourtant révèlent des constructions méticuleusement élaborées. Cette approche invite le spectateur à s’engager profondément, à questionner les apparences et à découvrir les récits cachés dans ces compositions stratifiées.

Avec cette œuvre, Gnaoui réaffirme son engagement de longue date à explorer les intersections entre sa mémoire personnelle, l’histoire sociale et la matérialité. Curva n’est pas seulement une représentation des ultras, c’est une réflexion sur la nature de l’appartenance et sur le poids de l’identité collective, explorant la tension qui les façonne et la fragilité qui les habite.

BIOGRAPHIE DE MALEK GNAOUI

Né en 1983 à Gabesen Tunisie, Malek Gnaoui vit et travaille à Tunis. Diplômé en 2007 de l’Ecole d’Art et de Décoration de Tunis, il s’est formé à l’art de la céramique au Centre National de Céramique d’Art - Sidi Kacem Jellizi à Tunis, en Tunisie.

L’œuvre de Malek Gnaoui aborde des questions relatives aux conditions sociales et à la notion de sacrifice humain. A travers, la vidéo, la céramique, la gravure, l’installation, le son et la performance, son approche de la matérialité l’amène à développer une pratique impliquant des matériaux du quotidien et des techniques traditionnelles. Sa pratique alternative et hybride sort la céramique de son carcan utilitaire pour créer des atmosphères inattendues et singulières.

Son œuvre dont l’essence s’ancre à partir de la matérialité, s’inscrit plus largement autour d’une réflexion engagée dans le contexte sociopolitique tunisien actuel.

Au cours de son stage au Centre National de Céramique d’Art dans le mausolée de Sidi Kacem Jellizi, en observant les fidèles offrir des moutons en sacrifice, il développe une réflexion sur la symbolique des actes sacrificiels. Son travail s’articule alors depuis 2011 autour de thématiques et de symboles récurrents incarnant les dualités de la vie et la mort, du passé et présent. L’utilisation d’un large spectre de médias amène Malek Gnaoui à s’imprégner du concept de la spiritualité à travers une exploration étendue des civilisations anciennes à l’époque contemporaine. Sa réflexion sur les corps, les éléments et la matière révèle l’implication physique de la production de ses œuvres dont se dégagent un aspect performatif.  

Artiste de la scène artistique tunisienne contemporaine, c’est par le collectif Politiques créé en 2011 avec l’initiative d’autres artistes que Malek Gnaoui s’est vu ouvrir les portes de la scène artistique internationale. Représenté par la galerie tunisienne Selma Feriani, il a récemment exposé des projets ambitieux, au Salon d’Octobre de Belgrade, Serbie et au KANAL Centre Pompidou à Bruxelles, Belgique en 2024, au Dom Museum de Vienne, Autriche en 2021 ou encore à la Sharjah Biennale, Emirats arabe unis. Son œuvre est également présente dans de prestigieuses collections parmi celles de la Fondation H, Antananarivo, Madagascar, du Dom Museum de Vienne, Autriche ou encore du Victoria and Albert Museum et du British Museum de Londres, Royaume-Uni.