EXPOSITION COLLECTIVE
ANTANANARIVO
4 AVRIL 2024 - 28 FÉVRIER 2025
L’exposition Memoria : récits d’une autre Histoire incarne l’idée d’une mémoire collective composée d’une myriade de récits, d’histoires, de questionnements et d’expériences éparpillées dans nos mémoires individuelles, personnelles, intimes. Cette idée est ici révélée à travers les œuvres d’artistes dont le travail renvoie à la reconstruction d’un tout commun, d’un tout universel, qui renouvelle notre regard sur la création contemporaine issue d’Afrique et de ses diasporas.
Lorsque la parole et la mémoire sont oubliées, tuées, effacées, ou tronquées, dévoiler un contre-récit, faire coexister des histoires plurielles, et révéler les non-dits, devient alors une urgence à laquelle répondent les 22 artistes invitées dans le cadre de cette exposition. Leurs œuvres se démarquent par leur volonté de déplacer les frontières de l’art, de “rassembler les ailleurs” et de montrer la diversité de nos histoires individuelles et finalement collectives. Les œuvres sélectionnées explorent la peinture, le textile, la sculpture, la vidéo ou encore la performance. Elles composent un parcours faisant écho d’une part à une lecture démystifiée de pans d’Histoire et de croyances communément divulgués au sujet du continent africain, et d’autre part à la manière dont certains imaginaires sont encore à l’œuvre, notamment dans les domaines économiques et de redistribution des ressources. À travers cette multiplicité de techniques, les œuvres présentées témoignent de la pratique engagée d’artistes fortes de leur pouvoir de narration, ancrées dans leur(s) géographie(s) fluctuante(s) et dans leur temps. En questionnant nos mécanismes de pensée, Memoria récits d’une autre Histoire entend ouvrir le dialogue sur notre capacité à décentrer nos regards. Notre capacité à écouter des récits différents et à (re)mettre en question ce que nous pensons être la norme, la référence… L’exposition s’envisage ainsi comme une étape constituée de propositions dans la vaste tâche d’édification d’un avenir façonné en commun, où nos mémoires, nos consciences et nos inconscients, seraient enfin apaisés et pacifiés.
À la taille de son nouvel écrin en terres malgaches, la Fondation H, l’exposition accueillera les œuvres des artistes Joey Aresoa, Olivia Bourgois, Joana Choumali, Dalila Dalléas Bouzar, Justine Gaga, Enam Gbewonyo, Georgina Maxim, Tuli Mekondjo, Marie-Claire Messouma Manlanbien, Myriam Mihindou, Josèfa Ntjam, Gosette Lubondo, Barbara Portailler, Selly Raby Kane, Miora Rajaonary, Amalia Ramanankirahina, Richianny Ratovo, Carine Ratovonarivo, Vonjiniaina Ratovonirina, Na Chainkua Reindorf, Mary Sibande, Charlotte Yonga.
Spécificité de l’escale malgache : un dispositif de résidences permettra aux artistes de créer des œuvres in situ, réalisées en collaboration avec des artistes et des artisan•es malgaches, et en utilisant des matériaux locaux. Le but est de permettre un déploiement sur le temps, des récits des artistes. En intégrant ainsi une sélection d’œuvres nouvelles créées par les artistes dans le cadre de leur résidence, le parcours du•de la visiteur•se se trouvera enrichi à chaque nouvelle visite.
Le premier chapitre de l’exposition explore les différents chemins empruntés par les artistes pour révéler, à partir de leurs expériences personnelles ou intimes, une mémoire collective. Depuis Madagascar, Richianny Ratovo invite à une méditation visuelle sur la complexité du sentiment amoureux et les expériences qu’il nous faut traverser et affronter, tels de véritables soldat•es, avant d’accéder à l’amour véritable. Vonjiniaina Ratovonirina propose, à travers une installation monumentale, une réflexion sur notre individualité comme vecteur d’engagement politique au service de l’intérêt collectif. Miora Rajaonary se penche sur l’emblématique lamba, ce vêtement traditionnel malgache dont le sens varie en fonction de son usage et de la personne qui le porte, en créant une série-archive photographique réalisée en studio. Olivia Bourgois convoque l’intimité de la « maison » pour questionner les notions d’identité, de transmission et d’héritage et conçoit l’idée d’une lignée sacrée entre les femmes. Depuis d’autres horizons, les «œuvres-mémoire» de la zimbabwéenne Georgina Maxim sont composées de sculptures textiles hétéroclites intimement liées à la mémoire des personnes à qui elles sont dédiées. Les toiles de la namibienne Tuli Mekondjo, qui puise son inspiration dans une histoire personnelle liée au traumatisme de l’exil et dont les œuvres mêlent à la fois peinture, motifs végétaux, graines et détails de photographies d’archive, se font l’écho de l’Histoire de la Namibie. Le collant-peau est mis en scène par la franco-gabonaise Myriam Mihindou qui, dans une performance filmée en plan fixe, livre par la parole et par le corps un récit d’une grande puissance autour de l’identité et de l’estime de soi. Les photographies brodées de l’ivoirienne Joana Choumali appellent à l’introspection et à l’observation de la nature pour y trouver réconfort, force et espoir. Enfin, en livrant le récit intime du périple d’un chef de village vers la France, la franco camerounaise Charlotte Yonga questionne les notions de tradition, d’héritage et d’identité.
Le deuxième chapitre du parcours interroge la mémoire dans sa dimension critique : la manière dont les artistes s’en saisissent comme méthode de dénonciation, notamment dans les questions liées au genre, au post-colonialisme, à la représentation du corps noir ou encore à l’exploitation des corps et des ressources naturelles. Chez la photographe Gosette Lubondo, c’est le devoir de mémoire qui permet une critique libre d’un pan de l’histoire coloniale de son pays, la République Démocratique du Congo. La ghanéenne Enam Gbewonyo témoigne de son expérience de femme noire dans un monde qui lui est consciemment et inconsciemment hostile. C’est le bas nylon de couleur chair, objet intime et courant, que choisit l’artiste comme symbole vecteur d’inégalité et d’invisibilisation. Justine Gaga, artiste camerounaise, invite le public à réfléchir sur des enjeux sociétaux majeurs à travers une installation monumentale. Entre intime et politique, l’algérienne Dalila Dalléas Bouzar, utilise le portrait pour faire ressurgir l’Histoire et le devoir de mémoire. Mary Sibande n’a de cesse de dénoncer au fil de ses créations photographiques ou sculpturales, les questions de dominations et d’exploitation au cours de l’Histoire de l’Afrique du Sud. Amalia Ramanankirahina, de retour sur l’île de ses origines, se laisse guider par la force des plantes et des minéraux pour révéler comment l’exploitation des ressources naturelles fait écho à l’histoire de l’exploitation des Hommes alors que ces mêmes ressources offrent des moyens uniques de résistance, de transformations et de construction d’un avenir commun. Enfin, Carine Ratovonarivo articule une œuvre-broderie utilisant l’actualité de Madagascar comme fil à restituer la mémoire et l’Histoire de l’île.
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Enfin, le troisième et dernier chapitre du parcours lève le voile sur un futur créatif, décomplexé, fort d’une mémoire assumée et célébrée. Un dialogue infini entre l’art, les sciences, les nouvelles technologies et une forme de militantisme social, terreau fertile à l’écriture de récits novateurs et subversifs. Ainsi ces nouveaux langages se retrouvent-ils chez la franco-camerounaise Josèfa Ntjam qui crée des récits futuristes dans chacune de ses installations, performances, ou vidéo ; chez la Ghanéenne Na Chainkua Reindorf à travers des œuvres sculpturales incorporant des matières organiques, des fils, des perles, le tout tissé, filé, cousu dans un savant mélange d’histoire(s) et de techniques ouest-africaines; ou encore chez la Sénégalaise Selly Raby Kane qui imagine une capitale africaine fantasmée dans un film en réalité virtuelle. De son séjour à Madagascar, en résidence à la Fondation H, l’ivoirienne Marie-Claire Messouma Manlanbien emporte les éléments naturels qui lui servent à créer un récit matériel invitant le spectateur à réfléchir aux notions de respect et de care au sens d’attention et de soin. Joey Aresoa crée de toutes pièces une bibliothèque virtuelle, dans laquelle chacun trouvera le moyen de partir à la rencontre de récits et de personnages réels ou imaginés, preuves d’une mémoire et d’un héritage à conserver, respecter et transmettre. Barbara Portailler, originaire de Madagascar, clôture le parcours de l’exposition avec une œuvre collective et participative invitant chaque visiteur•euse à écrire, à partir des lanières textiles, un mémo contenant un message pour eux-mêmes ou pour la planète. Une entreprise commune qui prend sa source dans l’imaginaire du public et participe à en créer la mémoire.
Joey Aresoa
Olivia Bourgois
Joana Choumali
Dalila Dalléas Bouzar (Résidence de juin à août 2024)
Justine Gaga (Résidence de janvier à avril 2024)
Enam Gbewonyo (Résidence de juillet à septembre 2024)
Gosette Lubondo
Georgina Maxim (Résidence d'août à septembre 2023)
Tuli Mekondjo
Marie-Claire Messouma Manlanbien (Résidence en novembre 2023)
Myriam Mihindou
Josèfa Ntjam
Barbara Portailler
Selly Raby Kane
Miora Rajaonary
Amalia Ramanankirahina (Résidence de janvier à avril 2024)
Richianny Ratovo
Carine Ratovonarivo
Vonjiniaina Ratovonirina
Na Chainkua Reindorf
Mary Sibande
Charlotte Yonga (Résidence d'avril à juin 2024)
BIOGRAPHIE DES COMMISSAIRES
NADINE HOUNKPATIN ET CELINE SEROR
Nadine Hounkpatin et Céline Seror sont consultantes et commissaires d’exposition indépendantes. En 2013, elles fondent l’agence de production culturelle artness et s’investissent dans le développement de la revue IAM - Intense Art Magazine (2013-2018), première plateforme dédiée à la création artistique contemporaine africaine au féminin, puis créent la plateforme print et digitale The Art Monumentum (2018). Elles y partagent une vision commune - placer la voix de l’artiste au centre du monde de l’art - à travers un réseau étendu d’artistes, d’auteurs, de critiques d’art et de curateurs. Depuis bientôt dix ans, le duo participe activement à la mise en avant des nouvelles voix et narrations en provenance du continent africain à travers, entre autres, les publications qu’elles éditent et les projets artistiques et culturels qu’elles conçoivent en Afrique et dans le reste du monde.
De Le Havre-Dakar, Partager la mémoire (Muséum d’Histoire naturelle du Havre, 2016) à Memoria : récits d’une autre Histoire (Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA, 2021 ; Musée des Cultures Contemporaines Adama Toungara (MuCAT) Abidjan, 2022 ; Musée National du Cameroun, Yaoundé, 2023), le duo poursuit son exploration du thème de la réappropriation de la narration, de la réécriture de l’Histoire et de la constitution d’une mémoire universelle.
